Newsjacking : comment détourner la nouvelle pour faire parler de vous dans les médias

Avez-vous l’impression comme moi que tout va de plus en plus vite? C’est vrai dans nos vies (les jeunes parents comme moi lèveront la main!), mais c’est aussi vrai dans l’actualité et le monde des médias.

Il y a à peine 5 ans, une nouvelle pouvait « faire du millage » pendant 48 à 72 heures dans les médias. La nouvelle sortait, elle était reprise, on la faisait réagir, on la commentait, etc. Selon sa nature, la nouvelle pouvait facilement s’étirer sur plusieurs jours dans les médias.

Dorénavant, le défi, c’est de demeurer dans l’actualité plus de 24 heures. C’est vrai pour tout le monde : les artistes, les politiciens, les entreprises et les organisations de toute sorte. Étant donné la rapidité avec laquelle les gens consomment les nouvelles avec Facebook et Twitter, c’est un défi de taille pour faire rayonner votre organisation et votre « nouvelle » plus longtemps. Cependant, vous pourriez tourner cette situation à votre avantage lors d’une gestion de crise. Parce que la crise peut durer moins longtemps…

Pour maximiser votre impact dans les médias, vous devez être proactif et saisir les opportunités médiatiques. En 15 ans d’expérience terrain, que ce soit comme relationniste ou comme journaliste, j’ai souvent vu des organisations attendre maladroitement le « bon timing » pour réagir sans prendre de risque.

Pourquoi saisir les opportunités en affaires et ne pas les saisir quand vient le temps d’accroître sa notoriété?

Newsjacking : une tactique de communication qui gagne en popularité

Aux États-Unis, le réputé stratège marketing David Meerman Scott vante sur toutes les tribunes la tactique du « newsjacking » pour aider les entreprises à faire parler d’elles dans les médias.

« Newsjacking is the art and science of injecting your ideas into a breaking news story so you and your ideas get noticed. » – David Meerman Scott

Traduction libre : Détourner la nouvelle est l’art et la science de diffuser vos positions au cœur d’une nouvelle de dernière heure afin que vos idées soient véhiculées dans l’actualité.

Bref, il s’agit de faire parler de soi, sans avoir nécessairement quelque chose de nouveau à annoncer.

Le « newsjacking », c’est une tactique de marketing qui vise à positionner des entreprises, dont on ne parlerait pas, afin qu’elles puissent se faire voir dans les médias par le biais d’un clin d’œil ou d’une opinion sur un événement qui fait les manchettes maintenant.

L’objectif ultime, c’est de générer de la visibilité pour ensuite générer des ventes. Le terme « newsjacking » fait référence au terme anglophone « highjacking », le détournement d’un avion. Avec le newsjacking, on détourne la nouvelle.

Meerman Scott rappelle toujours l’exemple de la compagnie Oreo lors du Super Bowl de 2013 à la Nouvelle-Orléans. Lorsqu’une panne électrique majeure a plongé le stade dans l’obscurité durant le match, la compagnie Oreo a twitté un véritable clin d’œil, une image virale qui n’a rien coûté et qui a engendré un impact marketing qui aurait coûté en publicité des millions de dollars à la compagnie.

La tactique du « Newsjacking » prêchée par Meerman Scott est stratégique et précise :

  • Partagez dans les médias votre opinion ou votre expertise sur la place publique sur un enjeu qui vous concerne et qui touche votre secteur d’activité, que ce soit à titre d’expert ou d’entreprise.
  • Partagez votre opinion à un moment névralgique : tout juste après que la nouvelle voit le jour, au moment où les journalistes sont à la recherche d’informations sur le sujet.
  • Comment? Avec votre blogue, vos réseaux sociaux ou l’aide de votre relationniste. Votre responsable des communications, qu’il soit à l’interne ou à l’externe, peut rapidement vous mettre en relation avec ses contacts médias pour vous positionner dans la nouvelle.
  • Le newsjacking s’applique avant et pendant que les journalistes recherchent des réactions d’experts sur une nouvelle, pas 48 heures plus tard lorsque la nouvelle s’éteint tranquillement… Les journalistes veulent savoir ce que vous pensez du sujet maintenant, pas dans 3 jours.

Newsjacking : une tactique possible au Québec?

L’écosystème médiatique québécois est différent de celui des États-Unis. Dans certaines circonstances, il est possible d’adapter (je dis bien adapter) le modèle américain dans l’actualité pour des fins de relations publiques plutôt que pour du marketing.

Lors du dernier congé de Pâques, la multinationale Walmart a été plongée dans une gestion de crise majeure au Québec après avoir annoncé « le congédiement de ses employés avec des troubles de déficience intellectuelle », comme le rapportait les médias.


Capture d’écran | Le Soleil, 30 mars 2018

La compagnie se défendait plutôt d’avoir « mis fin à son partenariat de formation professionnelle » avec des organismes locaux, martelant tant bien que mal que « Walmart ne congédie pas d’employés ».

Qu’a fait l’animateur Charles Lafortune via sa page Facebook le lendemain de la nouvelle? Sans le savoir, il a utilisé le « newsjacking ». Il a détourné la nouvelle en exprimant sa colère sur sa page Facebook et en mentionnant que « vous ne me reverrez pas chez Walmart de sitôt ». La publication Facebook a vite été relayée dans tous les médias et Charles Lafortune a accordé des entrevues pour en rajouter. L’animateur vedette a offert aux médias exactement ce qu’ils souhaitaient en ce vendredi de Pâques tranquille : une réaction et surtout prolonger la durée de vie de la nouvelle. Son fils étant autiste, ce dernier a vivement réagi parce que la cause lui tenait à cœur.

Parallèlement à cette sortie virulente, des organismes qui soutiennent les déficients intellectuels dans leur insertion sur le marché du travail ont pris le relais et ont commenté à leur tour la nouvelle, surfant sur la crise de Walmart. À Shawinigan, un commerçant IGA a même profité de la crise de son compétiteur pour vanter l’impact positif de son employé avec un problème de déficience intellectuelle qui travaille dans l’épicerie depuis 20 ans! Du bonbon pour la visibilité et la marque IGA.

Les parties impliquées ont toutes donné aux médias ce qu’ils voulaient à ce moment précis : des réactions pour faire vivre la nouvelle. Ce fut également une occasion de mieux comprendre comment ces travailleurs atteints de déficience intellectuelle faisaient leur place sur le marché du travail. Cette crise aura eu le mérite de faire de la pédagogie sur ce que ces gens vivent et comment ils sont accompagnés au travail.


Capture d’écran | Le Journal de Québec 7 avril 2018

Saisir les opportunités en relations publiques comme vous le faites en affaires

Ma vision du « newsjacking » est plus large que celle prêchée par David Meerman Scott, qui se limite essentiellement aux premières heures suivant le traditionnel « dernière heure ». Chaque entreprise à la recherche de visibilité doit selon moi apprendre et maîtriser à « prendre en otage » la nouvelle.

Comment? Les journalistes cherchent constamment des experts ou des entreprises pour les aider à comprendre les enjeux et à les commenter. Les médias sont à la chasse aux réactions, à peu près pour chaque histoire qu’ils diffusent. Si vous n’êtes pas alertes face à l’actualité, vous devez vous entourer à l’interne ou à l’externe de gens qui le seront et qui suivront vos médias.

Lorsqu’un journaliste médiatise une exclusivité, il n’a qu’un seul objectif : faire vivre sa propre nouvelle et en maximiser l’impact. Une exclusivité non reprise n’a pas le même impact qu’une exclusivité dont tous les médias parlent.

Dans un contexte où les médias cherchent à récolter des réactions et que la nouvelle touche directement votre secteur d’activité, qu’attendez-vous pour bouger? Qu’attendez-vous pour réagir et faire parler de vous?

Le printemps dernier, à l’aube de la grève de la construction, les médias se sont intéressés aux chantiers qui allaient être paralysés partout au Québec. L’un de mes clients dans le milieu de la construction ne s’est pas gêné pour dire tout haut ce qu’il pensait de l’impact à venir pour son entreprise et pour ses développements domiciliaires.


Capture d’écran | Le Journal de Québec, 24 mai 2017

« Un Act of God ». C’est ce qu’il a répondu à une journaliste qui l’a contacté pour commenter l’impact imminent de la grève à venir des travailleurs de la construction. Oui, mon client était « en réaction » à l’actualité, un enjeu qui l’inquiétait et le frappait de plein fouet. Il n’a pas hésité. En ouvrant le journal le lendemain, on le mentionnait dans la nouvelle, lui et son entreprise. Mon client avait détourné la nouvelle en partageant son point de vue, nous faisant voir l’histoire d’un tout autre angle.

C’est ce qu’on appelle en affaires saisir une opportunité. Qu’attendez-vous pour générer de la visibilité de façon plus spontanée et accroître votre notoriété?

David Couturier
Stratège en communication et en relations publiques

Pour en savoir plus sur l’approche du stratège marketing David Meerman Scott :
www.newsjacking.com