Les médias ne prennent pas de vacances

C’était ma deuxième journée de travail comme journaliste. La veille, mon premier reportage comme journaliste s’était avéré un fiasco. Un reportage que je voulais vite oublier. Quelques semaines auparavant et fraîchement diplômé en Sciences Politiques, j’avais été embauché pour un remplacement d’été à la station CIMT-TVA de Rivière-du-Loup. J’avais à peine 23 ans et j’étais déterminé à percer le marché médiatique hautement compétitif.

Après avoir raté mon premier reportage, ma chef de pupitre m’avait envoyé « challenger » le maire de Rivière-du-Loup à la suite de signalements de téléspectateurs. L’objectif : que le maire nous explique pourquoi le Parc des Chutes au centre-ville, qui devait être le plus propre en ville, était mal entretenu avec des déchets au sol.

Comme jeune journaliste, j’étais décidé à faire ma place. Je voulais faire oublier rapidement mon reportage de la veille et faire ma marque. Après une seule minute d’entrevue, je n’ai pas mis de gants blancs voyant que le maire cherchait à minimiser la situation devant la caméra.

« Il doit bien y avoir quelqu’un qui n’a pas faite sa job? »

« Non! Notre travail, il est fait à la Ville de Rivière-du-Loup! » avait répondu le maire du tac au tac, très agacé par le ton de ma question et esquivant le blâme.

Pour la Ville, la propreté de ce parc était devenue un enjeu médiatique à gérer sorti tout droit du champ gauche. Avec du recul, j’avais fait ma job de journaliste, mais mon approche manquait aussi de nuance. C’était blanc ou noir alors que dans les faits, on était plutôt dans une zone grise : la Ville ne pouvait pas dépêcher 10 policiers en temps réel pour surveiller les utilisateurs du parc.

Cette situation (que j’ai fait subir à l’époque) n’est pas un cas isolé et peut se reproduire à tout moment pour n’importe quelle organisation.

L’été et les médias : oubliez la piscine et restez alerte avant qu’il ne soit trop tard

À chaque été, vous devez comme organisation faire preuve de vigilance et rester aux aguets. L’actualité, celle de l’été et des vacances estivales, s’installe tranquillement dans tous les médias qui nous informent. Les « équipes B » prennent le relais dans les émissions de radios et de jeunes journalistes remplacent des vétérans devant la caméra. Parce que les médias ne prennent pas de vacances.

Le travail des médias en plein été peut être une source d’inquiétude et un enjeu pour l’image de votre entreprise ou de votre organisation. Parce que vous pourriez recevoir de l’attention médiatique non désirée alors que vous auriez habituellement passé sous le radar de l’actualité. Vous pourriez aussi avoir un impact médiatique plus important que si le même événement s’était produit à un autre moment durant l’année. Portez attention aux thèmes suivants :

  • La situation des feux de forêt au Québec
  • Les choses à faire et à ne pas faire dans un épisode de canicule
  • Le bilan des noyades au Québec
  • Des conseils-clés pour sécuriser votre piscine et prévenir les noyades
  • L’impact des épisodes de smog pour les personnes vulnérables
  • La hausse du prix de l’essence à l’aube des vacances de la construction
  • Le début des vacances de construction
  • Les habitudes de consommation des québécois durant leurs vacances
  • Les patrouilles vertes dans les quartiers résidentiels pour l’utilisation de l’eau potable en période de sécheresse
  • Comment décrocher en vacances
  • Le bilan des morts sur les routes du Québec

Avez-vous remarqué que ce sont tous des faits divers et des sujets « légers » que les journalistes abordent à un moment ou à un autre durant l’été, et ce, peu importe la plate-forme médiatique?

Voici 4 choses à savoir sur l’impact des médias en plein été et comment votre organisation pourrait en être affectée :

1) Surprise, vous « faites les nouvelles »

Votre PME était sans histoire jusqu’au mois de juillet. Avant juillet, vous aviez contenu à l’interne les rumeurs de mises à pied. Vous aviez rassuré sur le plancher vos employés, leur annonçant du même coup que l’entreprise se restructurait pour faire face à la crise actuelle. Vous étiez convaincu qu’en donnant l’heure juste à vos employés, vous les rassureriez tout en calmant la grogne. Et voilà que deux journalistes ont laissé des messages à la réceptionniste pour avoir un portrait de la situation… Pourquoi maintenant? Parce que c’est l’été.

Durant l’été, le danger pour toute organisation, c’est de faire l’objet d’une couverture médiatique alors qu’elle n’aurait pas reçu l’attention des médias à un autre moment de l’année. Bref, en juillet, votre organisation peut exister sur la place publique alors qu’elle n’existait pas auparavant. On n’en entendait pas parler. Et maintenant, oui.

L’été, c’est connu, c’est plus tranquille dans l’actualité. La moindre nouvelle avec un potentiel d’impact suscite l’intérêt des médias. Et cette nouvelle est diffusée alors qu’elle n’aurait probablement pas reçu le même traitement médiatique à un autre moment de l’année.

2) Les dommages peuvent être plus importants

Vous voulez annoncer des mises à pied et vous pensez que le mois de juillet représente le meilleur timing pour en faire l’annonce? Vous justifiez votre raisonnement sous prétexte que les gens sont en vacances et qu’ils ne « verront pas passer la nouvelle »?

Lumière rouge! Si vous annoncez une mauvaise nouvelle en plein cœur du mois de juillet, vous recevrez du même coup une plus grande attention des médias. Et avec raison. Mettez-vous à leur place. Il y a peu de sujets d’actualité et voilà qu’une entreprise de la région annonce des pertes d’emplois durant les vacances d’été. « On l’a, notre nouvelle ! »

C’est une question d’impact médiatique. Si vous aviez annoncé la même nouvelle un mois plus tôt, vous auriez fort probablement fait l’objet d’une couverture médiatique avec beaucoup moins de dommages. Parce que vous étiez en compétition avec toutes les autres nouvelles de l’actualité… Encore une question de timing.

3) Si vous êtes en gestion de crise, votre crise pourrait durer plus longtemps

Si vous êtes plongés en pleine gestion de crise (quel que soit la nature de la crise), vous devrez vous armer de patience en plein été. Les risques que votre crise s’éternise dans les médias augmentent considérablement. Avec moins de nouveaux sujets à couvrir, les médias seront tentés de faire vivre la nouvelle plus longtemps.

Les journalistes ne se contenteront pas d’annoncer la mauvaise nouvelle sur la place publique. Ils voudront faire commenter tous les acteurs touchés de près ou de loin par votre nouvelle. Ils vont, ce qu’on appelle dans le milieu, « courir aux réactions ». Si vous annoncez des licenciements, ils voudront faire réagir vos employés, ensuite le syndicat des employés, ensuite vos fournisseurs, ensuite vos clients, ensuite les élus, etc.

Plus les médias accordent de l’importance à votre nouvelle, plus longtemps vous êtes piégé dans l’actualité. Si vous traversez une crise, plus longtemps sera la crise.

4) Soyez préparé si vous faites face à un journaliste inexpérimenté

Disons-nous les vraies affaires : un journaliste qui sort de l’école est motivé, mais très souvent inexpérimenté. Vous devez demeurer vigilants si vous avez des messages précis à véhiculer. Ce sont les jeunes journalistes qui effectuent les remplacements l’été dans les salles de nouvelles. Ils peuvent commettre des erreurs et c’est normal.

Si vous faites face à un jeune journaliste, respectez-le autant qu’un vétéran. Soyez préparés à faire de la pédagogie et à parler du dossier qui vous concerne dans une perspective plus large. Ne prenez surtout pas pour acquis que le journaliste connaît toutes les nuances et les ramifications de votre dossier. Préparez-vous à lui fournir un portrait éclairé de la situation et des explications claires pour bien véhiculer votre message.

N’oubliez pas l’objectif : que votre message passe et surtout que votre message passe bien. C’est votre responsabilité, pas celle des médias.

En terminant, si vous craignez des semaines à l’avance qu’une situation dégénère dans les médias en plein été, n’hésitez pas à demander conseil avant que le problème n’éclate au grand jour. En étant mieux préparé, vous pourrez limiter les dégâts et, qui sait, peut-être choisir un meilleur timing pour annoncer votre « mauvaise nouvelle » sur la place publique.

Parce que les médias, ne l’oubliez jamais, ne prennent pas de vacances.

 

David Couturier