La peur de rater une nouvelle

Nous sommes tous accros à nos téléphones. Nous avons développé avec nos téléphones intelligents, celui qu’on appelle en anglais the fear of missing out, la peur de rater quelque chose d’important. Cette même anxiété guide chaque jour les dirigeants des salles de nouvelles dans le choix des événements à couvrir et des sujets à traiter.

Il y a quelques semaines, j’en discutais ouvertement avec le patron d’une salle de nouvelles. Ce dernier, appelons-le Samuel, m’expliquait à quel point l’instantanéité de l’information l’obligeait à prendre des décisions encore plus rapides et à faire des choix. Des choix parfois déchirants avec lesquels il devait assumer les conséquences comme patron d’information, comme celle de voir son principal concurrent sortir une meilleure nouvelle. Choisir, c’est renoncer. Même pour les médias.

« On a peur de rater une nouvelle. Si j’affecte un journaliste sur un article ou un événement, est-ce que je manque une histoire plus importante et plus intéressante ailleurs? Une exclusivité sur laquelle on aurait pu travailler? »

Ma discussion avec Samuel m’a rappelé des souvenirs. Lorsque j’étais journaliste à TVA Québec, mon affectateur prenait un risque en m’envoyant couvrir un événement très loin de Québec, comme un fait divers en Beauce près des lignes américaines. Mathématiquement, je représentais une ressource en moins près de Québec si un rebondissement ou un événement majeur survenait dans l’actualité. Dans son jargon, c’était « un kodak et un journaliste de moins dans la salle » et ça l’inquiétait.

Comprendre le travail des journalistes est un passage obligé pour générer une couverture médiatique efficace. Vous ne réussirez pas vos relations avec les médias sans bien comprendre leur quête de la nouvelle, leurs contraintes et surtout ce qui anime leurs prises de décisions.

Par exemple, en affaires, un entrepreneur à la barre d’une PME de transformation alimentaire ne réussira certainement pas son pitch de vente auprès des grandes bannières d’épicerie s’il ne comprend pas leur processus décisionnel. En politique, une organisation échouera dans ses démarches de relations gouvernementales auprès des élus si elle ne maîtrise pas le processus législatif et l’agenda politique du gouvernement au pouvoir. C’est la base! Et c’est pareil pour les relations avec les médias.

Je le répète : les médias cherchent des histoires à raconter. Si vous avez une bonne histoire à partager, les journalistes s’intéresseront à votre enjeu, votre entreprise, votre organisation, à condition que les ingrédients soient réussis et que le timing soit favorable.

Dans les deux premières semaines de juin, ce timing médiatique n’était pas favorable au plus fort du combat des feux de forêt. La couverture médiatique avec les feux de forêt au Québec a « coupé » l’actualité en deux : il y avait les feux d’un côté et le reste.

Avec les médias, le défi, c’est de proposer une histoire, une nouvelle, que les médias qualifieront d’incontournable à couvrir. Même si c’est une nouvelle qui ne sera pas reprise par d’autres médias et qu’elle ne sera pas « mur à mur » dans l’actualité. Avec votre contenu, votre histoire doit être une valeur ajoutée pour informer le lecteur ou le téléspectateur.

Si votre « sujet proposé » fait hésiter un journaliste ou un patron de l’information parce qu’il a peur de rater une autre nouvelle plus tard en après-midi, votre histoire n’est peut-être pas aussi pertinente sur le plan médiatique que vous le croyiez. Cela dit, n’oubliez jamais que le timing médiatique explique parfois un désintérêt des médias. Vous n’aurez jamais le contrôle sur l’actualité. Jamais.

Avec les médias, apprenez à jouer l’horloge au lieu de la subir. Le timing peut devenir un véritable allié. Particulièrement durant la période estivale lorsque les journalistes cherchent désespérément une nouvelle à couvrir. Parce que durant l’été, les médias sont animés d’une autre inquiétude : la peur de ne pas avoir de nouvelles.

 

David Couturier