Pourquoi vous retournerez l’appel d’un journaliste avant qu’il ne soit trop tard

« On fait quoi, David? Je ne retourne pas l’appel ou je le rappelle? »

Mon client était hésitant et j’ai eu moi-même une brève hésitation. C’était inattendu. Un journaliste du Journal de Montréal venait de laisser un message à la secrétaire de mon client. Sa requête était vague, mais on se doutait bien que c’était en lien avec un enjeu dont on était informé depuis un certain temps déjà.

Par souci de confidentialité, je ne vais ni nommer le nom de mon client ni vous révéler la nature de l’enjeu derrière l’appel du journaliste.

Ceci dit, mon client, qui est rarement sous les projecteurs des médias, ne reçoit pas ce genre d’appel à chaque jour. Encore moins du Journal de Montréal!

Il fallait prendre une décision et rapidement. Rappeler le journaliste ou ignorer son appel?

Ma réponse n’a pas tardé :

« Je te recommande de le rappeler. Nous saurons à quoi nous en tenir et tu auras toujours le loisir de refuser de commenter. Il faut prendre une chance et découvrir l’angle de son article ».

Ça fait près de cinq ans que je conseille et que je soutiens des organisations de toutes sortes avec les médias. Des individus à titre personnel, des OSBL, des associations professionnelles, des PME… Et très souvent, au-delà des stratégies médiatiques à déployer et des plans de relations publiques d’envergure, on en revient à la base.

C’est-à-dire retourner l’appel d’un journaliste et surtout quoi répondre.

Pourquoi retourner l’appel du journaliste?

Voici 4 raisons qui vous inciteront à prendre votre téléphone et rappeler le journaliste qui vient de vous laisser un message :

1) Vous aurez l’heure juste rapidement.

Lorsqu’un journaliste place un appel, il a tout intérêt à rester évasif et à maintenir un certain suspense. S’il déballait un message de deux minutes sur votre boîte vocale, les chances que vous retourniez son appel diminueraient… Il veut piquer votre curiosité.

En rappelant rapidement le journaliste, vous saurez à quoi vous en tenir. Vous aurez l’heure juste. Vous saurez sur quoi le journaliste travaille : l’angle de son reportage. Vous pourrez ajuster le tir si vous êtes la cible de ses démarches et sur la défensive. Il est aussi possible qu’il vous contacte afin que vous le guidiez dans ses recherches. Les journalistes partent toujours à la pêche, à la recherche d’une exclusivité, une histoire ou un angle original.

Autrement, vous serez angoissé le lendemain matin (ou les matins suivants) à ouvrir le journal! Entre vous et moi, « ne pas savoir », c’est ce qu’il y a de pire…

2) Limiter les dommages.

Mettons les choses au clair. Vous n’avez aucun contrôle sur le traitement de la nouvelle. AUCUN!

Vous n’avez aucun contrôle sur l’angle de l’article du journaliste.

Vous n’avez aucun contrôle sur le journaliste tout court!

Cependant, vous avez un contrôle sur un élément fondamental : votre message. Votre réponse. La réaction que vous donnerez au journaliste.

En sachant sur quoi le journaliste travaille, vous serez mieux positionné pour offrir une réaction réfléchie, adéquate, stratégique et surtout efficace. Et qui sait, influencer le cadre du reportage si le journaliste à qui vous parlez fait fausse route.

En connaissant l’objet du reportage et en contrôlant votre réaction, votre organisation se donne une chance de limiter les dégâts. Si dégâts il y a…

Et n’oubliez pas, vous n’êtes pas obligé de commenter. Vous avez toujours le droit de refuser de commenter et de répondre « pas de commentaires ». C’est votre droit et pour les raisons qui vous appartiennent. Sauf lors d’une gestion de crise!

3) Vous gagnerez du temps pour mieux gérer la crise.

Lors d’une gestion de crise, chaque minute compte. Et c’est encore plus vrai depuis quelques années avec l’instantanéité des réseaux sociaux. Tout va très vite.

Si vous attendez 24 heures pour répondre à un commentaire désobligeant sur la page Facebook de votre entreprise, il sera difficile pour vous de renverser la vapeur. Avec les journalistes, vous avez une certaine marge de manœuvre : seulement quelques heures.

Plus vous mettez du temps à réagir, plus les dommages seront grands.

Si un article vous explose en plein visage un matin et que votre organisation est plongée en pleine crise, vous aurez l’impression que la machine est plus difficile à mettre en marche. Et que votre capacité de réaction est inefficace. Ce sera plus ardu de regrouper votre département des communications, celui du marketing, vos consultants et votre équipe de direction autour de la table pour gérer la crise.

Par contre, en retournant un appel d’un journaliste, ce dernier vous prévient directement ou indirectement de la crise qui vous pend au bout du nez. Vous aurez quelques heures supplémentaires pour préparer un plan de gestion de crise, poser les bons gestes autant à l’interne qu’à l’externe et réagir adéquatement.

Si vous ignorez l’appel, vous ne saurez pas la crise que vous aurez à gérer demain.

4) Devenir une référence avec les médias.

Vous retournez l’appel du journaliste, collaborez avec lui et vous répondez à ses questions. Que se passera-t-il dans quelques semaines lorsque ce dernier fera un autre article qui touche votre secteur d’activités? Oui, il vous rappellera!

Votre entreprise est sur la sellette, mais vous prenez le soin d’offrir des réponses franches, claires et précises? Il vous rappellera!

Être en contact avec un journaliste, c’est le premier pas à franchir pour devenir une référence médiatique dans votre secteur d’activité. Si vous collaborez avec les médias et si vous développez des relations cordiales avec les journalistes, il y a de fortes chances qu’ils fassent à nouveau appel à vous pour commenter un sujet qui touche de près ou de loin le créneau de votre organisation.

Pratico-pratique, c’est de cette façon qu’on devient une référence dans les médias. Si vous êtes rapide à retourner leurs appels et surtout pertinent, ils vous rappelleront.

Être une référence, ça signifie que les journalistes ont le réflexe de vous appeler.

Si un journaliste vous connaît et que vous traversez une crise, il y a de fortes chances qu’il soit plus indulgent avec vous.

Si vous souhaitez demeurer low-profile, cette approche n’est pas pour vous. Si vous travaillez pour accroître votre notoriété, cette façon de faire est incontournable.

Gardez en tête que les médias cherchent des intervenants pour « meubler leurs reportages », et ce, dans chaque secteur d’activité de notre société. En télé, on dit toujours « pas d’images, pas de nouvelle ». J’ajouterais : pas d’intervenant, pas de reportage.

Pour revenir à l’appel du journaliste du Journal de Montréal… Que s’est-il passé?

Mon client l’a rappelé et le journaliste l’a questionné sur l’enjeu qu’on soupçonnait. Le client a collaboré et répondu à ses questions en toute transparence. Sans se défiler. Avec les messages que nous avions convenus ensemble.

Le lendemain matin, l’article du Journal de Montréal était loin d’être dévastateur. On s’attendait à pire. Le focus n’était pas sur l’organisation de mon client, mais plutôt sur la problématique générale du dossier dont il était question. La perception qui se dégageait : mon client faisait preuve de leadership. Ses réponses fermes ont contribué à bien le positionner dans l’article.

« Je me plais à penser que mon appel rapide hier au journaliste a grandement aidé », m’a écrit mon client suite à la diffusion de l’article.

Il a raison.

Les médias sont imprévisibles. Prenez une chance et retournez l’appel du journaliste avant qu’il ne soit trop tard.