Pourquoi donner votre version des faits aux médias

Jeudi matin, 11h15. Votre bras droit cogne à votre porte et vous informe qu’un journaliste souhaite vous parler. Sa requête : vous faire réagir au sujet d’une situation qui, vous le savez, est fausse. Quoi faire?

Que se passe-t-il si vous ne donnez pas votre version des faits et que vous ne rectifiez pas le tir rapidement face à des faussetés à votre endroit ou à l’égard de votre organisation?

Votre version des faits, qu’un journaliste ne vous ait pas sollicité pour la livrer ou que vous ayez refusé de commenter, n’est rapportée nulle part. Conséquence : le public se fait sa propre idée de la situation rapportée avec les informations disponibles.

Bref, vous n’êtes pas un personnage présent dans l’histoire racontée alors que vous devriez l’être.

C’est vrai pour un citoyen pris dans un tourbillon médiatique. C’est vrai pour un politicien qui se fait attaquer sur son intégrité. C’est vrai pour n’importe quel haut dirigeant victime d’informations erronées, de faussetés, de mensonges ou d’allégations, qu’il soit à la barre d’une PME ou d’un groupe d’intérêt en interaction avec le gouvernement.

Deux cas médiatiques sous la loupe

Le 5 octobre dernier, La Presse présentait un dossier d’enquête sur l’industrie du prêt-à-cuisiner. Dans ce reportage, les entreprises Marché Good Food, Cook it et Miss Fresh étaient sur la sellette et devaient se défendre de l’utilisation abusive d’emballages de plastique des aliments qui sont livrés dans les boîtes-repas destinés aux familles pressées.

Directement visées, deux des chefs d’entreprises de ces compagnies ont répondu aux questions de La Presse pour se défendre, faire valoir leur point de vue et replacer les faits dans leur contexte.

Par exemple, en réponse aux préoccupations liées à l’emballage abusif des aliments, l’une des entrepreneures martelait que son entreprise offrait une solution écologique, notamment en réduisant le gaspillage alimentaire. Son argumentaire : la plupart des familles qui achètent leurs aliments à l’épicerie en gaspille beaucoup à la maison, ce qui n’est pas le cas avec les boîtes de prêt-à-cuisiner préparées sur mesure. Même si les aliments sont emballés individuellement.

Soucieuse de faire preuve de transparence, cette entrepreneure a même ouvert les portes de son entrepôt pour que La Presse puisse constater de quelle façon les aliments étaient préparés et emballés. « On veut pas le savoir, on veut le voir ! » disait Yvon Deschamps.

Même si certaines des pratiques de ces entreprises étaient contestées avec des témoignages d’experts, l’article rapportait les deux côtés de la médaille et de façon équilibrée.

Pour lire l’article :

https://www.lapresse.ca/actualites/enquetes/201910/04/01-5244155-crouler-sous-les-emballages.php

Le même jour à Québec, un tout autre débat faisait les manchettes : la densification dans les quartiers résidentiels. Dans un reportage de Radio-Canada, un couple de retraités s’est plaint de la construction d’un immeuble de trois étages, voisin de leur résidence et à moins de deux mètres de leur jardin. Les propriétaires dénonçaient le changement de zonage autorisé par la Ville de Québec, argumentant que la construction de cet immeuble nuisait à leur qualité de vie et leur faisait perdre plus de 50 000$ de valeur à leur propriété.

En moins de 24 heures, la densification est devenue un sujet médiatique et un enjeu politique pour la Ville de Québec. Les élus du comité exécutif se sont défendus, expliquant que les permis délivrés l’avaient été dans les règles avec le promoteur. Parlant du promoteur, où était-il et qui était-il?

Le promoteur a accordé une entrevue à Radio-Canada et a fait valoir sa version des faits, tout en disant comprendre la déception du voisinage. Il a défendu son projet, réitéré qu’il avait agi selon les règles et rappelé que le règlement de zonage en vigueur était connu depuis longtemps. On apprenait aussi qu’il s’agit d’un jeune couple qui a pris un risque en y investissant toutes ses économies.

Pour lire les articles sur le sujet :

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1331215/logement-sainte-foy-zonage-urbanisme-quebec?cid=rg_il-reg_txt_inf_infolettre-matinale_quebec-2019-10-05_0

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1335226/immeuble-controverse-sainte-foy-densification-quebec-zonage

Ma recommandation : Donnez votre version des faits.

Rectifiez les faits et remettez les pendules à l’heure. Peu importe la nature de l’enjeu, une nouvelle dans la presse écrite (même un hebdo local) peut se propager comme une traînée de poudre.

Les animateurs radios en parlent. Les chroniqueurs la commentent. Et ajoutez les réseaux sociaux dans l’équation. Vous aurez vite l’impression de perdre le contrôle et d’avoir de la difficulté à positionner votre point de vue sur la place publique.

Pour limiter les dommages, parlez aux médias et imposez votre réaction pour faire valoir votre point de vue. Si vous ne vous défendez pas, personne d’autre le fera à votre place, à part peut-être vos « super fans » sur Facebook.

L’objectif : déconstruire les arguments, un par un. Ce faisant, vous donnez votre version, appuyée par un argumentaire clair, solide et détaillé. Si votre dossier est devant les tribunaux, rien n’empêche de réagir avec retenue, précision et prudence.

L’été dernier, un de mes clients a reçu un appel d’une journaliste qui enquêtait sur les opérations de son entreprise et son secteur d’activités. La journaliste alléguait que son entreprise n’avait pas agi dans la légalité dans une situation particulière, ce qui était faux. Gestion de crise potentielle.

Vous savez ce qu’a fait mon client après m’avoir contacté et s’être bien préparé? Il a pris le téléphone, a rappelé la journaliste et a donné sa version des faits avec assurance. Il a déconstruit, point par point, chaque argument de la journaliste qui le challengeait.

L’article de journal n’a jamais été publié.

David Couturier