La Fête des mères et la traînée de poudre médiatique

Les médias adorent les polémiques.

Trois enseignantes du primaire étaient probablement loin de se douter d’en créer une de toute pièce en annonçant le remplacement de la Fête des mères par « La Fête des parents ». Mardi, ces enseignantes de deuxième année d’une école de Québec ont envoyé un courriel aux parents pour leur annoncer que certaines classes avaient pris la décision de ne pas fêter la Fête des mères et des pères cette année en raison de « l’hétérogénéité de familles de nos élèves cette année ». La fuite d’une capture d’écran du courriel sur les réseaux sociaux a été l’étincelle…

Dans les heures qui ont suivi, le centre de service scolaire de la Capitale a diffusé une mise au point pour rétablir les faits en réaction au tollé, précisant que la direction de l’école n’avait pas été mise au courant. « Cette initiative a pour fondement une intention bienveillante de la part des enseignantes à l’endroit des élèves de leur classe. Mais de toute évidence, leur communication était malhabile et a pu être mal comprise et mal interprétée et nous en sommes désolés ».

Pourtant, le mal était fait. Le chef conservateur Éric Duhaime, scandalisé, s’en prenait sur Twitter au ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, en exprimant son indignation. Le lendemain, une autre école des Laurentides informait aussi les parents de la « Fête des parents » avant de se rétracter.

« Honnêtement, je ne peux pas croire que je suis devant vous aujourd’hui pour réitérer l’importance de la Fête des mères et l’importance de la Fête des pères », répétait mercredi le ministre Bernard Drainville aux journalistes, tout en rappelant la réalité des enseignantes qui doivent s’adapter aux enfants qui n’ont pas de mère ou de père, ou ceux en famille d’accueil. Les enseignantes concernées, qui partaient d’une bonne intention, ont finalement fait marche arrière.

Cette tempête dans un verre d’eau, parce qu’il faut l’appeler ainsi, s’est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, dans les médias et à l’Assemblée nationale. Pourquoi? Parce que la Fête des mères est un symbole des traditions québécoises et que la simple idée de l’annuler heurte les valeurs de plusieurs. D’autres trouvent simplement l’idée ridicule. Que vous la fêtez ou non, que votre enfant d’âge primaire vous ramène ou non un bricolage comme cadeau, c’était prévisible que les médias sautent sur la nouvelle et que le ministre de l’Éducation reçoive la patate chaude…

Au-delà de la polémique, trois leçons sont à retenir pour n’importe quel dirigeant :

1) La communication par courriel comporte des risques pour la réputation

Un simple courriel peut plonger votre organisation en gestion de crise. Vos employés parlent au nom de votre entreprise en tout temps, même par courriel. Ont-ils tendance à l’oublier?

Une capture d’écran d’un courriel malhabile ou diffamatoire peut se retrouver à tout moment dans le téléphone d’un journaliste ou publiée quelque part sur les réseaux sociaux. Votre personnel est-il bien conscientisé sur le ton et le contenu de leurs communications par courriel? Les écrits laissent des traces!

2) Soyez informés et contrôlez le message

Ne soyez pas tenus dans l’ignorance avec ce qui se passe à l’interne. Toute initiative de vos employés ou de vos membres, quelle qu’elle soit, doit être connue de la direction. Si vos employés organisent un événement en dehors des heures de travail dans un lieu controversé en portant des vêtements lettrés de la compagnie, vous voudrez le savoir.

Pour prévenir tout dérage, assurez-vous d’être informés des activités et des projets de vos employés. Vous pourrez mieux contrôler le message pour communiquer une initiative qu’ils souhaitent porter. Dans le cas qui nous occupe, si la direction de l’école avait eu vent de la communication des enseignantes, un drapeau rouge aurait vite été levé…

3) En cas de dérapages, réagissez vite et admettez vos erreurs

Vous n’avez pas le luxe d’attendre au lendemain matin pour réagir. Vous devez comme dirigeant réagir rapidement pour rétablir les faits et au besoin contextualiser. Plus la réaction sera rapide, plus vite les médias seront portés à passer à autre appel, tout dépendamment de l’histoire véhiculée.

Pour rectifier le tir, communiquez avec vos publics cibles d’abord. Vos clients ou vos membres doivent être tenus au courant de vos explications avant les journalistes. Informer les médias avant les principaux intéressés pourrait être mal perçu. Si vous êtes dans le tort, excusez-vous et faites preuve d’empathie.

Cette polémique de la Fête des mères nous rappelle que la nouvelle est instantanée et que tout va très vite avec les réseaux sociaux. Comme dirigeant, vous serez jugés sur votre capacité à réagir rapidement, avec le bon ton et les bonnes explications.

Après avoir reçu le pot pendant la crise, on vous lancera des fleurs pour votre proactivité. Et ce ne seront pas des fleurs fanées.

David Couturier