Couverture médiatique : méfiez-vous de votre « Révolution »

Plaisir coupable : l’émission Révolution à TVA est notre rituel du dimanche soir en famille. Mes deux garçons de 10 et 7 ans adorent regarder les danseurs performer, même s’ils préfèrent de loin visionner des vidéos de basket en boucle sur Youtube… Dimanche soir dernier, après avoir entendu le juge Jean-Marc Généreux crier tout haut « Je veux voir la Révolution ! », je me suis demandé à quoi pouvait ressembler la « Révolution » en relations publiques.

La Révolution de TVA est une image saisissante, une photographie inédite prise à 360 degrés dans laquelle le temps s’arrête. Cette image forte met en valeur le point culminant d’une chorégraphie et souvent un message puissant que les danseurs veulent nous partager. C’est sublime à regarder.

En relations publiques, la « Révolution », c’est selon moi l’équivalent d’un moment fort d’une couverture médiatique marquante dans laquelle vos intérêts et/ou vos enjeux sont mis à l’avant-plan de façon spectaculaire. Un game changer avec impact de votre sortie médiatique. Un bond de géant pour votre crédibilité et pour votre notoriété comme entreprise ou organisation.

La « Révolution » : une couverture médiatique d’impact et inespérée

Il y a quelques années, l’une de mes clientes voulait dénoncer les tactiques de maraudage et d’intimidation d’un syndicat. Une sortie médiatique avait été organisée avec le Journal de Québec. L’entrevue s’était déroulée sur une table à pique-nique dans un parc en banlieue un vendredi après-midi sous le soleil. Ma cliente avait bien performé en entrevue, mais c’était difficile de prévoir l’angle précis que le journaliste adopterait. Une fois l’entrevue terminée, le journaliste avait lui-même photographié avec son téléphone ma cliente devant un module de jeu pour enfants. Pas de photographe. On se croisait les doigts pour la parution, mais ça donnait l’impression que l’histoire allait être reléguée en page 35…

Quelques jours plus tard, j’ai failli m’étouffer avec mon café en voyant ma cliente sur le « front » du Journal de Québec. Les propos de dénonciation de ma cliente avaient convaincu le Journal de Québec de jouer fort cette histoire de maraudage syndical. « David, on aimait vraiment l’histoire. Fallait en parler », me confiera plus tard mon interlocuteur au Journal.

Cette parution à la Une du Journal de Québec fut pour ma cliente son moment « Révolution ». Pendant 48 heures, ma cliente a été sollicitée par plusieurs médias dont LCN et RDI, ce qui lui a permis de défendre ses membres sur la place publique. Un communiqué de presse court et efficace avait aussi été diffusé pour interpeller le gouvernement afin d’accélérer les négociations d’une nouvelle convention collective. Conséquence : on donnait nous-même du gaz à notre propre nouvelle, tout en attirant l’attention des recherchistes et des animateurs de radio qui voulaient aller plus loin dans le traitement de la nouvelle.

Il s’agissait sans contredit d’une opération médiatique réussie, principalement grâce à un moment fort : la « Révolution ». Dans ce cas-ci, une couverture percutante en première page du Journal de Québec. Comprenons-nous bien, cette parution d’impact était inespérée et inattendue. L’article nous avait permis de maximiser nos démarches avec d’autres médias, de crédibiliser l’organisation et de faire vivre la nouvelle plus longtemps.

À l’époque, ma cliente et moi souhaitions une publication d’impact, mais nous n’avions pas investi d’énergie sur notre « Révolution ». La stratégie médiatique, le ton de la sortie, les messages-clés, le communiqué de presse : notre préparation et nos outils faisaient partie d’une opération de relations publiques globale. Les objectifs étaient aussi très clairs : défendre les membres, décrier une situation fâcheuse sur la place publique et interpeller le gouvernement. Avec du recul, l’opération avait fonctionné parce que tous les ingrédients étaient réunis : une histoire à raconter (storytelling), un message percutant, une porte-parole d’une redoutable efficacité et le timing (un week-end de trois jours vide d’actualité).

Cela dit, n’importe quel haut dirigeant à la recherche d’exposure médiatique doit se méfier de la « Révolution ». Le problème, c’est lorsqu’un entrepreneur ou un dirigeant d’organisation est aveuglé par sa « Révolution » avec les médias. Ce haut dirigeant commet ainsi une grave erreur parce qu’il se concentre sur un seul résultat à atteindre. Les signes ne mentent pas si vous êtes obnubilés par la perfection absolue et à la recherche de votre « Révolution ». Voici ce que les relationnistes ont l’habitude d’entendre :

« Je veux être à la Une du Journal de Montréal ! »

« Je veux aller à Tout le monde en parle ! »

« Il faut absolument qu’on ouvre le Téléjournal avec notre histoire ! »

« J’ai besoin d’un buzz et d’être partout simultanément. »

« Si eux font une entrevue à Paul Arcand prime time, pourquoi pas nous?»

Nous sommes souvent notre pire ennemi. Et c’est particulièrement vrai en communication publique. Une sortie médiatique mal préparée peut plonger n’importe quelle entreprise ou organisation en gestion de crise. S’auto-plonger en crise. La fameuse pelure de banane…

Évidemment, un haut dirigeant doit être en mesure d’identifier ses objectifs de communication à atteindre, des objectifs qui doivent aussi être réalistes. Assurez-vous d’être bien conseillé dans ce processus. Parce qu’il s’agit d’une opération publique et non d’un coup de tête entre quatre murs.

La « Révolution » ne doit pas devenir le cœur de votre stratégie de communication. Tout miser sur ce moment inédit, c’est choisir le contenant au détriment du contenu. Vous ne pourrez qu’être déçus de vos démarches avec les médias. Parce que l’univers médiatique, que vous le vouliez ou non, s’est considérablement transformé.

Le dimanche soir à TVA, des danseurs spectaculaires sont parfois exclus parce qu’ils n’ont pas excellé au goût des juges, même si leur « Révolution » était impeccable. Comme quoi votre danse avec les médias est plus importante qu’un seul instant de votre chorégraphie.

 

David Couturier