Fermeture d’entreprise: comment gérer les médias et limiter les dommages

« Je vous mentirais si je vous disais que Sportium, ça allait bien dans la dernière année et demie. Le marché était troublé et il l’est encore. Et là, la COVID nous a achevés, si vous me permettez l’expression… » – Norman Décarie, président et chef de la direction de SAIL Plein Air.

On ne peut pas reprocher au PDG de SAIL la langue de bois. Sans mettre de gants blancs, il a expliqué publiquement la semaine dernière pourquoi il fermait tous ses magasins Sportium au Québec : problème de rentabilité, additionné à la COVID-19. Avec la mort soudaine de cette bannière, des centaines d’employés perdront leurs emplois.


La Presse, le 4 juin 2020

La crise de la COVID-19 fait mal à l’économie. Des géants du commerce au détail comme SAIL Plein Air mettent le genou à terre et procèdent à des restructurations de leurs activités pour survivre. D’autres commerçants, plus petits et moins connus, annoncent aussi depuis quelques semaines leur fermeture sur les réseaux sociaux, se disant victimes de la pandémie. On peut dire sans se tromper que le mot « fermeture » continuera de faire les manchettes au cours des prochains mois.

Tout ce qui implique une fermeture est d’abord et avant tout une opération de communication publique et de damage control. Et la clé du succès, c’est la préparation. Encore.

Disons-nous les vraies affaires : c’est toujours facile de parler aux médias lorsque les choses vont bien ou que votre entreprise vit une croissance exponentielle. Ça en est une autre de leur faire face quand ça va mal et que vous devez mettre la clé sous la porte.

Faire atterrir une mauvaise nouvelle, c’est un défi de communication non négligeable.

L’objectif : limiter les dommages et protéger votre réputation.

Voici 4 conseils à suivre pour vous aider à limiter les dommages lors d’une fermeture d’entreprise :

1) Préparez votre message à diffuser auprès de vos publics cibles avant

Lorsqu’un commerçant ou un restaurateur annonce la fermeture de son établissement, son premier public cible doit être ses employés et ses clients. N’annoncez surtout pas la nouvelle dans les médias ou sur Facebook avant d’avoir informé les principaux concernés par la fermeture à venir. Autrement, vous serez accusés de manquer de sensibilité et d’échapper à vos responsabilités.

Vous croyez que la nouvelle de votre fermeture ne se rendra pas aux oreilles des journalistes? Détrompez-vous. Avec les réseaux sociaux et le bouche à oreille, vous pourriez avoir un journaliste à votre porte moins de deux heures après l’annonce officielle. En 2020, il suffit d’un tweet ou d’une mention sur Facebook…

Peut-être croyez-vous que la « nouvelle » n’est pas d’intérêt public. Mais si les journalistes décident qu’ils couvrent l’événement, votre nouvelle devient d’intérêt public, que vous le vouliez ou non. Et c’est souvent une question de timing comme on le voit avec la COVID-19.

Le sujet intéresse les médias parce que l’enjeu est crucial. Parce qu’il y a un effet domino : les entreprises qui éprouvent des difficultés financières se succèdent. Le véritable enjeu, c’est la pérennité de l’économie. Qui survivra?

2) Contrôlez votre message

Vous êtes à la tête d’une PME et vous prévoyez annoncer sous peu la fermeture définitive de votre entreprise? Peu importe votre secteur d’activité, contrôler votre message aide à limiter les dommages.

Assurez-vous de véhiculer le même message aux différents publics cibles touchés de près ou de loin par la fermeture. Bref, ne dites pas une chose par voie de communiqué et tout son contraire sur votre page Facebook. Ne donnez pas une explication en privé au député local (qui, en passant, commentera la nouvelle avec vos médias locaux) et tout son contraire aux journalistes. Parce que là, c’est vrai, vous serez plongé dans une crise médiatique. Et vous donnez du gaz pour l’alimenter.

En relations publiques, le communiqué de presse est encore un outil de communication très efficace pour contrôler le message :

  • La diffusion du communiqué peut être suffisante pour engendrer une couverture médiatique mur à mur et instantanée, rapportant vos explications avec justesse et clarté.
  • Recourir à un communiqué est une tactique parmi plusieurs autres et il se peut que d’autres gestes à poser soient nécessaires lors de votre fermeture, dont celui d’accorder des entrevues.
  • Le communiqué de presse peut aussi prendre la forme d’une publication officielle sur vos réseaux sociaux, sans qu’il soit nécessairement distribué à chacun de vos médias.

Le véritable défi, c’est d’être cohérent et de diffuser la bonne information à vos publics cibles et sur l’ensemble de vos plateformes. Oui, adaptez votre contenu si vous le partagez sur vos réseaux sociaux, mais assurez-vous de contrôler le message en diffusant la même information à tout le monde.

3) Choisissez le bon porte-parole pour annoncer la mauvaise nouvelle

Dans un monde idéal, le chef d’entreprise devrait toujours être la personne qui parle aux médias pour annoncer la mauvaise nouvelle. Pourquoi? Parce que c’est lui qui est le mieux placé pour expliquer pourquoi il ferme son entreprise. Qui est le chef d’orchestre quand l’entreprise est en croissance? Le chef d’entreprise. Qui est le capitaine du bateau quand le navire frappe un iceberg? Le chef d’entreprise. Pour les médias, ça fait du sens que ce soit lui qui s’explique et c’est un test de leadership.

Revenons à Sportium : le PDG ne s’est pas caché et a annoncé lui-même la mauvaise nouvelle sans se défiler. Il a multiplié les entrevues pour expliquer cette difficile décision d’affaires (et sans blâmer la COVID-19 pour tous les malheurs de l’entreprise non plus).

Malheureusement, l’entrepreneur n’est pas toujours la meilleure personne pour affronter la meute de journalistes. Si le chef d’entreprise a horreur des caméras et une peur bleue des médias, mieux vaut qu’un bras droit plus à l’aise et en contrôle s’adresse aux médias. Dans une PME, cette personne peut être le directeur général, le directeur des opérations ou le responsable des communications et du marketing.

Le recours à un porte-parole externe devrait être uniquement une solution de dernier recours si personne n’est à l’aise de parler aux journalistes. Ce porte-parole externe, aussi habile et efficace soit-il avec les médias, n’a pas la même sensibilité de l’entreprise qu’un membre de l’équipe. Si un dirigeant crédible à l’interne peut faire le travail, faites-en votre porte-parole officiel. Avec son regard externe, le relationniste sera indispensable pour vous conseiller sur la marche à suivre, la stratégie de communication à adopter et les messages à véhiculer.

4) Faites preuve d’empathie et de compassion

S’il-vous-plaît, faites preuve d’empathie. Une empathie sincère et sentie. Mettez-vous à la place des gens qui sont directement touchés par la fermeture de votre établissement. Mettez-vous dans les souliers du travailleur qui perd son emploi alors qu’il a de la difficulté à joindre les deux bouts. Pensez aux familles et aux enfants qui en subiront les impacts.

Soyez humain. Car au-delà des stratégies et du message à livrer, les médias vous jugeront sur la façon dont vous traitez les gens.

Gardez en tête que votre compassion et votre leadership comme chef d’entreprise pourraient aussi vous attirer un capital de sympathie. Et ça fera la différence le jour où vous repartirez en affaires. Parce que vous aurez, malgré le malaise et les dommages, été au-devant de la tempête et pris les moyens pour protéger votre réputation.

 

*Une partie du contenu de cet article a été diffusé en janvier 2019. À l’époque, une vague de restaurants et de résidences pour aînés fermaient leurs portes suite aux problèmes de pénurie de main d’œuvre.

 

David Couturier