Alexandre Taillefer et le service après-vente avec les médias

La mort de Téo Taxi sera pour longtemps aux yeux des médias et du public le symbole de l’échec d’Alexandre Taillefer, un ex-Dragon et une personnalité publique qui polarise au Québec.

Précision : Le but de ce billet n’est pas d’attaquer ou de prendre la défense de l’entreprise ou même d’Alexandre Taillefer. Laissons aux économistes et aux médias le soin d’analyser le modèle d’affaires de Téo Taxi et sa fin brutale. Et laissons aux entrepreneurs à succès le soin de commenter les déboires de l’un des leurs. Toutefois, tout chef d’entreprise peut tirer des leçons de cet épisode médiatique, que ce soit à l’échelle locale ou nationale.

On peut se douter qu’Alexandre Taillefer savait qu’il serait confronté à une opération de damage control lorsque la décision fut prise de fermer Téo Taxi. Il savait assurément que son image d’entrepreneur prospère, déjà écorchée suite à son passage au PLQ comme président de campagne, allait être durement mise à l’épreuve.

Une stratégie médiatique « en deux temps » planifiée?

Le 29 janvier dernier, Taxelco annonçait en conférence de presse la fin des activités de sa filiale Téo Taxi. C’est le président directeur général par intérim de l’entreprise qui était chargé d’en faire l’annonce en expliquant comment et pourquoi Téo Taxi devait mettre la clé sous la porte. Sans Alexandre Taillefer à droite du PDG. Pas d’Alexandre Taillefer dans la salle…

Les journalistes et les chroniqueurs ne se sont pas gênés pour rappeler « son mutisme » tout au long de la journée alors que Téo Taxi était la nouvelle du jour au Québec. Et ce, même si Taillefer s’était retiré des opérations de l’entreprise depuis plusieurs mois, une nuance que les médias n’ont pas acheté pour justifier son absence.

« Cacher » le fondateur Alexandre Taillefer avait visiblement pour objectif de :

  • Dépersonnaliser l’annonce de la fermeture, par respect pour les 450 chauffeurs de taxi qui perdaient leur emploi.
  • Placer les faits à l’avant-plan en faisant preuve d’empathie et de compassion pour les employés, loin des états d’âmes du fondateur.
  • Définir la narration : raconter la fin des activités de l’entreprise et non l’échec personnel de l’entrepreneur.
  • Fuir l’effet de meute d’une conférence de presse où les journalistes, regroupés, mettent une pression accrue qui peut vite devenir insoutenable devant les caméras et faire dérailler le message à livrer. (Parlez-en aux politiciens!)

Mais vous ne pouvez pas vous cacher plus de 24 heures. Plus vous gardez le silence, plus vous augmentez vos chances qu’un journaliste débarque à l’improviste à votre maison, à votre bureau ou lors d’un de vos déplacements pour « obtenir votre réaction ». Vous ne voulez pas projeter l’image d’un fraudeur qui fuit la caméra comme à l’émission J.E…

Lorsque vous vous servez des médias comme Alexandre Taillefer l’a fait pour vendre votre entreprise sur la place publique et pour mettre de la pression sur le gouvernement du Québec, préparez-vous à l’effet Boomerang. Que vous le vouliez ou non, les journalistes, que vous avez sollicités et alimentés, vont littéralement courir après vous pour obtenir vos commentaires et des explications.

C’est vrai pour Alexandre Taillefer et c’est vrai pour n’importe quel chef d’entreprise. C’est un test de leadership.

Le lendemain de la conférence de presse, très tôt, Alexandre Taillefer a fait face à la tempête. D’abord avec la diffusion d’une lettre ouverte dans La Presse+, un texte qui interpellait étonnamment le premier ministre Legault, puis avec des entrevues ciblées pour s’expliquer davantage sur l’échec de Téo Taxi. Taillefer a entamé une tournée médiatique avec des entrevues visiblement triées sur le volet dans des stations de radio et de télé.


Capture d’écran, TVA Nouvelles, 30 janvier 2019


Capture d’écran, RDI Économie, 30 janvier 2019

En relations publiques, on appelle ça du service après-vente avec les médias. On boucle la boucle, on s’explique, on vulgarise (encore et encore) et puis on arrête net en soirée la tournée médiatique. À moins qu’on soit invité à Tout le monde en parle…

Qu’elle ait été planifiée ou non, cette stratégie médiatique « en deux temps » semble avoir bien servi Alexandre Taillefer. À ce stade-ci, même si la nouvelle a duré plus de 48 heures, cette stratégie médiatique lui a permis d’ajuster le tir sur la couverture médiatique de la veille et surtout de se positionner pour l’avenir :

  • Faire son mea culpa et accepter personnellement l’entière responsabilité pour l’échec de Téo Taxi.
  • Faire preuve d’empathie et de compassion pour les travailleurs qui perdaient leurs emplois.
  • Raconter comment il vit cet échec comme entrepreneur en ayant perdu lui-même 1,5 millions de dollars dont ses REER.
  • Faire de la pédagogie sur le capital de risque et les embûches rencontrées durant la croissance d’une start-up.
  • Tendre la main au gouvernement du Québec afin qu’il récupère les actifs de la compagnie.

Même si Taillefer a respecté les règles de base d’une gestion de crise en reconnaissant ses torts, à vous de juger sur sa crédibilité et sur son argumentaire pour justifier la mort de Téo Taxi. Vous a-t-il convaincu?

Une chose est sûre : en s’absentant de la conférence de presse, Alexandre Taillefer a donné du gaz à la nouvelle. Par contre, sa résilience et sa décision de faire face à la tempête le lendemain redoreront assurément son image publique et le positionneront pour la suite, que vous l’aimiez ou non.

Parce que les québécois aiment les combattants qui mettent le genou à terre et qui font preuve d’humilité.

Mais ça vous prend plus que de la résilience. Toute opération médiatique exige une préparation rigoureuse. Une planification nécessaire pour contrôler le message, limiter les dommages et protéger votre réputation.

Pour en savoir plus sur les relations publiques et les communications stratégiques :
www.davidcommunication.com/blogue/

David Couturier
David Communication