Plus que 4 mois pour régler votre dossier politique

Avec le début de la dernière session parlementaire à Québec, les prochaines heures marquent le début d’un véritable marathon politique avant les élections provinciales de l’automne prochain. Selon le dernier sondage de la firme Léger Marketing du 27 janvier dernier, la CAQ formerait un gouvernement majoritaire le 1er octobre 2018 avec près de 36% des intentions de vote, incluant un vote francophone chiffré à 46%. Un sondage Ipsos-La Presse publié le 6 février confirme cette tendance.

À 6 mois des élections, cette photographie de l’électorat est un dur retour à la réalité pour les troupes de Philippe Couillard qui doivent lutter contre le désir de changement des québécois. Mais aussi pour les lobbys qui tentent de tirer leur épingle du jeu sur la colline parlementaire.

C’est un véritable compte à rebours qui s’enclenche pour une organisation, que ce soit une fédération professionnelle, un organisme communautaire ou une PME, qui souhaite « régler » son dossier politique avec le gouvernement du Québec.

Si le travail n’est encore pas commencé, les lobbys doivent s’activer dès maintenant afin que leur enjeu, quel qu’il soit, connaisse un dénouement favorable auprès du gouvernement. Bref, que le dossier se règle avant le déclenchement des élections. Et avant qu’il ne se règle, l’objectif doit être le suivant : avoir l’heure juste sur l’état de situation du dossier au gouvernement.

Une réalité s’impose : peu importe quel parti formera le prochain gouvernement, tous les efforts en matière de relations gouvernementales seront à recommencer auprès des cabinets ministériels. Et ce ne sera pas avant la fin octobre, le temps que les nouveaux ministres soient assermentés au sein du Conseil des ministres de ce nouveau gouvernement. Même si les libéraux sont reportés au pouvoir, des nouveaux visages apparaîtront au conseil des ministres, incluant du nouveau personnel politique.

La réalité, c’est qu’il ne vous reste que 4 mois (et non 8 mois) pour régler votre dossier politique :

  • La session parlementaire se termine le 15 juin prochain. Par la suite, tous les partis politiques se prépareront aux annonces quotidiennes de la campagne électorale (ils ont évidemment déjà commencé le travail). La machine gouvernementale sera sur le neutre dès le début de l’été. On peut dire sans se tromper que le gouvernement du Québec sera en quelque sorte paralysé durant une période d’environ 4 mois, de début juillet à la fin octobre.
  • Il s’agit en ce moment de la dernière fenêtre d’opportunité pour capter l’attention du gouvernement face à vos demandes. Les libéraux ne cherchent qu’à annoncer des bonnes nouvelles pour ce qu’ils appellent le « Nouveau Québec » et faire le plein d’appuis d’électeurs. Fini les mauvaises nouvelles avec les cibles d’atteintes à l’équilibre budgétaire. Depuis décembre dernier, le gouvernement Couillard multiplie les annonces et distribue les chèques comme des cadeaux aux électeurs avant le déclenchement des élections.

Il y a urgence d’agir pour votre dossier politique? Quel que soit votre enjeu, voici des gestes que vous devez poser pour bien positionner votre enjeu auprès des instances politiques concernées :

1) Présentez votre enjeu politique au cabinet le plus rapidement possible.

Que ce soit dans le but d’obtenir une subvention, un prêt sans intérêt ou une modification réglementaire, en relations gouvernementales, il n’y a pas qu’un seul chemin qui mène à destination. Chaque cas est unique :

  • Parfois, le dossier que vous avez entre les mains peut cheminer auprès des hauts fonctionnaires et connaître le dénouement que vous souhaitiez « avec la machine » sans l’implication du politique. Sans pression sur le cabinet du ministre. Sans tournée médiatique où vous déchirez votre chemise sur la place publique.
  • Généralement, vous devrez effectuer des représentations au cabinet du ministre concerné en rencontrant le conseiller politique au dossier, le directeur de cabinet ou ultimement le ministre lui-même.

Une mise au point s’impose. Les dossiers, ceux que vous n’entendrez jamais parler dans les médias, se règlent généralement avant d’atterrir au cabinet du ministre. Lorsqu’une organisation doit rencontrer le cabinet du ministre ou le ministre lui-même pour mettre de la pression et les « sensibiliser », c’est signe que toutes les étapes précédentes ont été infructueuses pour convaincre la machine gouvernementale.

Si vous n’avez pas eu d’échanges avec un membre du cabinet du ministre et que votre dossier n’est pas réglé, vous devez passer en quatrième vitesse. Vous devez établir un dialogue le plus rapidement possible pour présenter votre dossier et faire connaître votre enjeu. Ces représentations au cabinet, qui doivent être bien préparées, sont essentielles pour faire cheminer votre dossier.

Important : tout est dans la façon dont vous présentez et vous positionnez votre enjeu au cabinet. Votre présentation doit être minutieusement planifiée. Qui parle? Qu’allez-vous dire? Comment allez-vous le vulgariser? Comment présentez-vous votre argumentaire? Comment le gouvernement peut-il y trouver son compte en participant à la solution? En quoi l’intérêt public est-il concerné (ou menacé)?

Vos représentations devront être sensibles à l’environnement politique dans lequel est plongé le gouvernement. La plus grande erreur lors d’une représentation, c’est de mettre l’accent uniquement sur le problème. Ne présentez pas un problème au cabinet. Présentez l’impact de votre enjeu et proposez une solution qui avantagerait le gouvernement et qui permettrait au ministre d’en prendre le crédit sur la place publique. La solution doit venir de lui publiquement, pas de vous. Aidez le cabinet à vous aider.

2) Accentuez la pression sur le politique et occupez-vous de vos suivis avec rigueur.

Vous placez votre demande de rencontre au cabinet du ministre à la mi-février et vous attendez au mois d’avril pour effectuer une relance? Vous risquez « d’échapper le ballon ».  Si le cabinet vous rencontre en mai prochain, il sera probablement trop tard pour espérer quoi que ce soit avant le déclenchement des élections.

Avec doigté, accentuez la pression sur le conseiller politique qui s’occupe de votre dossier. De plus, si une nouvelle dans l’actualité concerne directement votre enjeu, soyez proactifs avec le cabinet en l’interpellant.

Dans le passé, l’une de mes clientes avait profité de l’actualité pour réitérer sa demande de rencontre avec le ministre de la Santé. La rencontre, qui n’avait jamais été fixée malgré de nombreuses demandes répétées, avait été subitement planifiée la semaine suivante en raison des enjeux de l’actualité qui monopolisaient l’attention des médias. Timing is everything. Particulièrement en politique.

3) Effectuez une sortie médiatique pour accentuer la pression.

Le cabinet du ministre vous fait la sourde oreille? Vous ne réussissez pas à obtenir une date de rencontre? On refuse de vous rencontrer avant la campagne électorale?

Posez-vous la question suivante : comment pouvez-vous positionner votre enjeu sur la place publique pour forcer le cabinet et/ou le ministre lui-même à se commettre avec une prise de position claire qui concerne votre enjeu?

Les médias ne feront pas une infopub de votre organisation. Ça ne les intéresse pas. Ce qui les intéresse, c’est l’impact de l’enjeu qui touche le monde, le vrai monde. Et ce qui leur plaît, c’est de questionner le ministre, le « challenger » sur l’enjeu que vous soulevez sur la place publique.

En vous positionnant ainsi, votre enjeu devient médiatisé, ce qui provoque des réactions et fait boule de neige. Résultat : d’autres lobbys peuvent appuyer vos revendications publiquement en commentant à leur tour la problématique. Les partis d’opposition peuvent également plonger dans le débat auprès des médias et lors de la période de questions en exigeant des réponses au ministre. Le ministre, talonné par l’opposition et les journalistes, doit se commettre en donnant une réponse.

Peu importe ce que le gouvernement répond, vous avancez. Parce que vous avez l’heure juste. Vous pourrez par la suite ajuster votre stratégie et poser les bons gestes.

Est-ce qu’une opération médiatique change la donne pour un dossier politique? On ne peut rien garantir. C’est une question de contexte, de timing et d’idéologie, celle du parti au pouvoir. Chose certaine, ça accentue la pression politique sur le gouvernement, ce qui provoque un débat sur la place publique. Une sortie médiatique efficace positionne votre organisation dans l’échiquier politique, accroît votre notoriété, vous crédibilise et met de la pression sur le gouvernement afin qu’il intervienne dans votre dossier.

Plusieurs lobbys reconnus au Québec maîtrisent bien la joute politique en coulisses et la pression médiatique. Par exemple, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) est sur toutes les tribunes lorsqu’un enjeu économique touche de près ou de loin les PME ainsi que les chefs d’entreprise. On n’a qu’à penser au débat entourant la hausse du salaire minimum à 15$ l’heure. Ce groupe de pression ne fait pas parler de lui uniquement le jour du budget provincial. Et pas seulement en coulisses. Cette fédération maintient une pression constante lors de ses représentations politiques et avec des sorties médiatiques soutenues.

4) Développez si nécessaire des canaux de communication avec les partis d’opposition.

Soyez stratégiques avec le recours aux partis d’opposition. Sollicitez les oppositions au moment opportun et uniquement selon l’évolution de votre dossier avec le cabinet.

Ne précipitez pas une rencontre avec un critique de l’opposition qui froisserait le cabinet parce que vous n’avez pas eu la délicatesse de l’informer d’abord de vos revendications. Ou que vous avez été impatient pour le suivi du dossier. Croyez-moi, la dernière chose qu’on souhaite, c’est d’être « brûlé au cabinet » comme on l’entend mot pour mot sur la colline à Québec.

Si vous craignez d’être instrumentalisé par les partis d’opposition lors d’un dérapage à la période de questions, prévenez-les de vos limites à faire de la politique spectacle.

Si votre dossier ne se règle pas dans les prochains mois, vous pourrez profiter de la campagne électorale pour passer vos messages aux partis politiques et repositionner votre enjeu sur la place publique.

Note de l’auteur : Dans le présent billet, l’usage du masculin a été utilisé pour désigner autant les hommes que les femmes et vise uniquement à alléger le texte.