Campagne électorale municipale : comment jouer les trouble-fêtes pour passer vos messages

Avez-vous songé à participer à la campagne électorale municipale… sans être candidat?

S’inviter dans une campagne électorale sans être candidat, c’est comme s’inviter dans une fête dans laquelle on n’est pas invité.

Pour toute organisation qui souhaite mettre de la pression politique, je vois la campagne électorale municipale de la même façon : un événement où vous n’êtes pas invité, mais dans lequel vous pouvez, comme tierce partie, déranger. Faire valoir vos idées.

Et si, avec votre organisation, vous vous invitiez dans votre campagne municipale pour jouer les trouble-fêtes et forcer les candidats de votre municipalité à se commettre?

La campagne électorale municipale : ce que vous devez savoir avant de mettre de la pression

La campagne électorale municipale est une fenêtre d’opportunité pour bon nombre d’organisations qui souhaitent passer des messages aux élus, les sensibiliser sur un enjeu et surtout mettre de la pression. Bien sûr, certaines organisations se retrouveront menottées en raison de leurs liens organisationnels et/ou financiers avec leur administration municipale.

Des associations professionnelles, des regroupements de chefs d’entreprise, des chambres de commerce, des syndicats, des organismes communautaires… C’est un moment clé pour déployer une courte et efficace opération de relations publiques, peu importe sa nature et son degré d’intensité. À condition bien sûr que l’enjeu soulevé concerne le municipal.

Il y a deux types de groupes de pression : ceux qui laissent passer le train et ceux qui saisissent les opportunités. Vous pouvez attendre les bras croisés et ne rien faire ou passer à l’action.

Évidemment, tout dépend de votre terrain de jeu politique et médiatique. Moins vous êtes connu, plus difficile ce sera pour vous d’attirer les projecteurs. Par exemple, un organisme à but non lucratif méconnu et peu influent à Québec aura l’impression de faire un coup d’épée dans l’eau s’il interpelle les candidats à la succession de Régis Labeaume avec une « liste d’épicerie » sur la place publique. Même chose avec Valérie Plante et Denis Coderre à Montréal. Il faut choisir ses batailles : ça dépend évidemment du sujet et du contexte.

En région, la situation est différente parce que les médias cherchent et créent la nouvelle. Si votre lobby a un impact significatif dans votre région, vous pourriez influencer votre campagne municipale et obtenir des engagements fermes des candidats, en privé ou en public.

Comme au provincial et au fédéral, les partis politiques municipaux proposent des plateformes électorales qui regroupent des engagements électoraux. Les partis disciplinés ont déjà planifié leur calendrier pour dévoiler leurs promesses électorales, des engagements de proximité qui touchent les citoyens dans leur vie de tous les jours. En bon québécois, les promesses électorales sont généralement « cannées d’avance » même si les partis veulent parfois nous faire croire le contraire. Il s’agit une opportunité pour mettre de la pression politique. Jouez le jeu politique!

Si votre enjeu doit faire l’objet d’un débat public et d’un engagement ferme de la part des candidats, vous devez le positionner, d’abord en coulisses auprès des candidats puis ensuite sur la place publique.

Attention : l’idée, ce n’est pas d’improviser et de foncer tête première en sollicitant les médias pour promouvoir votre enjeu. Soyez stratégique. L’objectif, c’est de passer vos messages avec efficacité comme organisation au moment où ça compte et surtout accentuer la pression.

Dépendamment de la nature de votre dossier, ce dernier pourrait cheminer beaucoup plus rapidement que vous le croyez, tout simplement parce que la campagne municipale force les élus à se commettre en privé et/ou sur la place publique.

Et dans les médias, il suffit qu’un journaliste pose une question dans un point de presse quotidien avec un candidat clé et c’est l’effet domino. Un enjeu banal peut réorienter la couverture médiatique, balayer sous le tapis l’engagement du jour et devenir LA nouvelle. Vous devinerez que ça ne fait pas l’affaire des candidats qui perdent le contrôle de leur agenda politique.

Quoi faire pour attirer l’attention des élus sur votre enjeu que vous jugez d’intérêt public? Voici comment :

1) Faites vos devoirs sur vos candidats.

À qui avez-vous affaire? Si c’est le cas, qu’est-ce que le maire sortant pense? Qu’est-ce que les autres candidats pensent de votre enjeu?

Vous devez connaître la position des candidats aspirants à la mairie sur le thème que vous tenterez d’imposer dans la campagne. Connaître leur position vous permettra d’ajuster votre « pitch de vente ».

Par exemple, si vous réclamez des mesures d’aide ou d’assouplissement pour vos membres, vous devez connaître les positions des candidats sur le sujet et savoir ce qu’ils ont dit dans le passé. Vous n’aurez pas la même approche avec un candidat pro développement économique qu’avec son rival qui mise sur « la consultation citoyenne de proximité et près des gens ». Effectuez une revue de presse complète et cherchez les contradictions dans les déclarations des candidats.

2) Présentez des propositions concrètes aux candidats pour influencer leurs promesses électorales.

L’objectif, c’est de faire de votre enjeu un engagement formel des candidats. Même si, comme je le mentionnais, les engagements sont généralement programmés à l’avance dans leur plate-forme électorale.

Avant d’adopter la confrontation, misez sur le dialogue et des propositions. Préparez un document de présentation qui regroupe vos principales propositions, un document clé en main que les candidats pourront se servir ultérieurement. Le mot à retenir : propositions. Ce document, que vous donnerez en mains propres aux candidats, vous crédibilisera comme organisation. Vous « laisserez des traces » et, ce faisant, vous aurez toujours le loisir de le « couler » à un journaliste si le dossier ne chemine pas comme vous le souhaitez en coulisses pendant ou après la campagne.

Dans ce document, ne tombez pas dans le piège de rédiger une liste d’épicerie avec 25 revendications. Concentrez-vous sur deux ou trois enjeux clés sur lesquels les candidats doivent, selon vous, se commettre et se positionner durant la campagne. C’est simple : on veut semer une idée dans la tête des candidats.

3) Présentez une solution gagnant-gagnant aux candidats.

En planifiant vos propositions, vous devez garder en tête que les candidats ne travaillent que sur une chose : être élus (ou réélus).

Vous devez présenter une proposition à un candidat comme une solution gagnant-gagnant. Le candidat cherche d’abord à se mettre en valeur pour être élu ou pour être réélu. Si vous lui offrez une proposition clé en main avec laquelle il peut se faire du capital politique, il s’appropriera votre idée, ce qui ultimement réglera votre problème. Ne soyez pas surpris : c’est toujours de cette façon que les dossiers politiques se règlent.

Je le dis à tous mes clients : pas de problème que le politique s’approprie l’idée, en autant qu’elle voit le jour!

4) Effectuez une sortie publique… seulement si c’est nécessaire.

Dépendamment de l’accueil et de la réception que vous recevrez des candidats, vous devrez décider si ça vaut la peine d’effectuer une sortie médiatique. Adaptez votre stratégie médiatique aux résultats de vos rencontres et non l’inverse.

  • Si les candidats vous donnent une fin de recevoir, la sortie médiatique est une option que vous devez sérieusement envisager pour leur mettre de la pression.
  • Si les candidats refusent de vous rencontrer, passez vos messages à travers les médias.
  • Si les candidats adoptent vos propositions, rien ne vous empêche d’informer les médias, mais vous devez vous assurer que cela ne vous nuira pas après l’élection.

En politique, les relations médias servent à ajouter une saine pression sur les élus lorsque les démarches entreprises ne donnent pas les résultats espérés ou lorsqu’il n’y a pas de signal clair des candidats.

En d’autres mots, si vous obtenez un engagement ferme des candidats à la mairie pour régler votre enjeu, il est possible qu’une sortie dans les médias ne soit pas nécessaire. Si ce n’est pas le cas, servez-vous des médias pour passer vos messages et positionnez-vous publiquement dans la campagne. Organisez une sortie médiatique structurée et encadrée pour faire valoir vos préoccupations et vos propositions. Une lettre ouverte percutante peut avoir autant d’impact qu’une tournée de relations médias.

N’hésitez pas à vous faire accompagner pour gérer à la fois votre sortie médiatique et les bons gestes à poser en coulisses avec les candidats. Le danger comme organisation, c’est de trébucher avec la tentative de mettre votre dossier à l’avant-plan. Une offensive mal gérée peut nuire à une organisation plutôt que de l’aider.

Parce que votre enjeu pourrait provoquer un effet domino dans la campagne municipale. Les médias pourraient vous percevoir comme une tierce partie qui s’est invitée à la fête sans invitation et qui joue les trouble-fêtes. Et croyez-moi, les médias adorent les enjeux du « champ gauche ».

Si elle est bien préparée, votre sortie médiatique vous crédibilisera comme une organisation influente, c’est-à-dire auprès des médias, auprès des élus, auprès de la population et auprès de vos membres à l’interne. Un atout non négligeable pour vos démarches à venir avec la nouvelle administration à la mairie.

 

David Couturier